D. Buchs: La paroisse de Bulle-La Tour

Cover
Titel
La paroisse de Bulle-La Tour : une longue histoir.


Autor(en)
Buchs, Denis
Erschienen
Fribourg 2017: Editions la Sarine
Anzahl Seiten
192 S.
von
Georges Andrey

Pour le lectorat de la Revue historique vaudoise, l’intérêt primordial de ce solide ouvrage réside dans le lien ancestral de la cité fribourgeoise de Bulle avec Lausanne et le Pays de Vaud. De fait, la ville actuelle de Bulle, récemment fusionnée avec la commune limitrophe de La Tour-de-Trême, a été tout au long du Moyen Âge vassale de l’évêque de Lausanne, son suzerain temporel.

« Il fait bon vivre sous la crosse » : ce proverbe médiéval exprime à souhait le climat des relations du prélat avec ses vassaux bullois. Or, comme le souligne Denis Buchs, Bulle fait partie des plus anciennes propriétés épiscopales. Pour sa part, l’évêque de Lausanne est le seigneur féodal le plus puissant du pays romand jusqu’au XIIIe siècle. Quant au Chapitre de la cathédrale de Lausanne, composé de 30 chanoines au XIIe siècle, il compte plusieurs membres de la famille noble des Bulle. Il n’est pas rare que des chanoines soient curés de la grande paroisse de Bulle. Résidant à Lausanne, ils délèguent la pastorale à un vicaire. Au XIIe siècle, Bulle est promue siège du décanat d’Ogoz, d’où son importance accrue durant tout le Moyen Âge. En 1228, ce décanat compte vingt-huit paroisses. Quant aux doyens d’Ogoz, ils sont généralement chanoines du Chapitre de la cathédrale de Lausanne.

La Ville de Bulle doit ses remparts à l’évêque Boniface, plus tard canonisé. Pour sa part, Guillaume de Champvent, à la fin du XIIIe siècle, fait construire ou achever le puissant château de Bulle, orgueil de la cité aujourd’hui encore. C’est grâce à lui également que la ville jouit d’un plan régulier, d’une grandeur exceptionnelle pour l’époque, avec deux larges rues et quatre rangées parallèles de maisons, le tout reliant le château à l’église paroissiale pour former un ensemble architectural d’un seul tenant. Fait marquant, les relations entre les évêques et leurs sujets, dont ceux de Bulle, sont codifiées en 1368 sur la base des franchises de l’évêque Amédée (1145-1159). La Ville délègue ses représentants aux grandes assemblées de Lausanne, au cours desquelles évêques et sujets se jurent fidélité.

Un autre aspect des liens étroits et suivis qui se tissent au fil du temps entre Bulle et son suzerain lausannois est d’ordre économique : il s’agit notamment de l’instauration d’un marché dans la cité. Une longue rivalité oppose à ce sujet les évêques de Lausanne et les comtes de Gruyères, vassaux de la Savoie. Entre eux, les conflits armés ne sont pas rares. Ils se concluent généralement à l’avantage des évêques. C’est ainsi qu’en 1195-1196, le suzerain bullois obtient, probablement en vertu de ses droits comtaux, la suppression du nouveau marché qui vient de s’ouvrir en Ville de Gruyères, concurrençant celui de Bulle. L’enjeu, on le comprend, est le contrôle commercial de toute la région.

Jusque dans les années 1470, Bulle est une ville du Pays de Vaud : propriété de l’évêque, elle compte quelque 800 âmes ; elle est orientée vers le bassin lémanique et particulièrement vers la cité épiscopale de Lausanne. Éclatent les guerres de Bourgogne : le 16 janvier 1476, Bulle, soucieuse de sa sécurité, conclut un traité de combourgeoisie avec Fribourg, mais réserve les droits de l’évêque. Ce traité, comme le souligne Denis Buchs, marque un tournant dans la vie des Bullois : « Ils n’imaginent pas, écrit l’historien, que leurs petits-enfants deviendront sujets de Fribourg. D’ici là, ils resteront de bons sujets de l’évêque. »

Autre moment majeur dans l’histoire des relations entre Bulle et l’évêque : la Réforme. Berne, passé à la nouvelle foi et nouveau maître du Pays de Vaud, chasse le chef du diocèse et confisque ses possessions temporelles. Qu’advient-il de Bulle ? Sur conseil de l’exilé, elle se place sous la protection de la Ville de Fribourg, restée, elle, dans l’ancienne foi, mais également membre de la Confédération depuis 1481. Le statut de canton assure à la cité des Zaehringen souveraineté, sécurité et intégrité territoriale ; elle ne saurait subir le sort du Pays de Vaud.

Seulement voilà, Fribourg n’est que protectrice de Bulle et non pas sa suzeraine. D’ailleurs, l’évêque en fuite – Sébastien de Montfalcon a quitté secrètement Lausanne dans la nuit du 21 au 22 mars 1536 – n’a pas abandonné ses droits sur la cité gruérienne. Fribourg n’en a cure et, conjointement avec Berne, se partage sans scrupule les terres du Pays de Vaud, qu’il soit épiscopal ou savoyard. C’est ainsi que le territoire fribourgeois s’agrandit considérablement vers le sud et, après l’annexion du comté de Gruyères en 1555, atteint les limites qu’on lui connaît aujourd’hui. S’agissant de Bulle, elle tombe du rang de combourgeoise à celui de sujette de Leurs Excellences de Fribourg. Ses bourgeois ne l’admettront qu’à contrecoeur et n’oublieront jamais leur suzerain épiscopal.

Zitierweise:
Georges Andrey: Denis Buchs: La paroisse de Bulle-La Tour : une longue histoire, Fribourg : Éditions La Sarine, 2017. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 173-175.

Redaktion
Autor(en)
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 173-175.

Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit